Larvaire

Trop de temps passé à me demander pourquoi rien n'avance, pourquoi je ne connais pas la satisfaction. Toujours mentir, à un autre ou à soi-même, et se cacher derrière de lamentables excuses auxquelles personne ne croit plus. Reculer, étouffer, se plaindre et avoir honte d'être devenue une si faible créature, pas même digne d'avoir un nom. Je suis un mollusque, je suis dans un état larvaire, une quasi-existence où il m'est impossible de connaître un plaisir quelconque. Mes seuls contentements sont alimentaires ou charnels. Il me semble n'avoir besoin de rien, mais lorsque la nuit tombe, je deviens soudain un ogre affamé, j'exige l'exécution de cent troupeaux entiers, le sacrifice de dix-mille bêtes tremblantes que je dévorerais sans préliminaires. Ma vie -ma survie, ma lente agonie, mon hibernation- a perdu sa constance. Je ne sais plus quel chemin prendre. Je ne vois plus la route. Je marche au fond de l'océan, mes pieds enfoncés dans les abîmes, et je m'étonne parfois de croiser des monstres inconnus. J'ai appris à me déplacer en retenant mon souffle, et il m'est bientôt apparu comme une évidence que je n'avais même pas la vulgaire capacité de me noyer. Mon état est pathétique ; je ne peux inspirer au monde que pitié, ou bien dégoût.